Signal d’alerte pour la rentrée universitaire

Contrefaçon d’une thèse et de travaux critiques sur le poète Armand Robin

Par un jugement du 14 mars 2014, le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à Françoise Morvan, écrivain et traductrice, auteur d’une thèse de doctorat d’État sur Armand Robin soutenue en 1989 à l’Université de Rennes, mais aussi de nombreuses éditions de textes d’Armand Robin par elle retrouvés et publiés, ainsi Ecrits oubliés I, Essais critiques publiés aux éditions Ubacs en 1986, Poésie sans passeport, La fausse parole, Fragments

Dans une biographie consacrée à Armand Robin et publiée en 2008 aux éditions Aden, une universitaire reprend un grand nombre d’expressions identiques et un choix de renseignements tels qu’ils ont été sélectionnés par Françoise Morvan. Le jugement présente onze exemples les plus typiques présentant les mêmes choix de citations, le même agencement d’idées, la reproduction d’une analyse et d’une découverte de l’auteur de la thèse, sans la citer. Les juges précisent que dans tel passage « les différences apparaissent négligeables » et ils concluent que « les similitudes énumérées ne résultent pas simplement de ce que le sujet traité est le même ».

En revanche, même si la biographe plagiaire « s’est approprié les fruits [du travail de Françoise Morvan] », les juges n’ont pas retenu les actes de concurrence déloyale et de parasitisme car « l’action en concurrence déloyale et parasitisme doit reposer sur des agissements distincts de ceux qui ont été retenus pour établir la contrefaçon ». Or, « les faits invoqués au titre du “pillage” du travail de Madame Françoise Morvan, c’est-à-dire la reprise du résultat de ses recherches recouvrent en réalité essentiellement des faits de contrefaçon déjà admis ».

Voilà donc un jugement précis, qui démontre clairement par le raisonnement et les exemples, sous quelles conditions un travail de recherche (qu’il s’agisse d’une thèse ou d’un travail critique) peut être protégé au titre du droit d’auteur.

L’universitaire condamnée en première instance a fait appel du jugement.

La Russie… aussi !

Bakhtine n’était qu’un précurseur en matière de plagiat universitaire et d’imposture intellectuelle… Jean-Paul Bronckart et Cristian Bota ont fait une longue mise au point sur cette question tabou dans leur ouvrage Bakhtine démasqué (Droz, 2011). L’exercice de détournement d’idées, de textes… et de thèses est toujours en vogue en Russie :

« Une expertise de la Bibliothèque nationale russe a confirmé le large recours au plagiat dans les thèses de doctorat de responsables russes, dont le très controversé délégué du Kremlin aux droits de l’enfant, a indiqué aujourd’hui un collectif d’opposition. » (lire l’article entier sur Figaro.fr).

Mais nous le savons pour l’avoir à plusieurs reprises annoncé dans nos « Actualités », la Russie n’a pas le monopole des thèses recyclées : on se souvient des plagiats de thèses en Allemagne (actualité du 22 février 2011), en Suisse à l’Université de Neuchâtel , en Hongrie en février 2012… mais n’allons pas chercher au-delà de nos frontières : tout récemment en France, à l’Université de Toulouse, un enseignant-chercheur a été condamné par le tribunal pour contrefaçon (article du 5 janvier 2014), mais aussi à Bordeaux en septembre 2013 – les deux affaires sont en appel. La liste pourrait s’allonger. Ne faisons pas notre Sganarelle…

Un témoignage courageux

Pour ceux qui ne seraient pas abonnés au site archéologie du copier coller, consacré au plagiat à l’université, voici une bonne occasion de prendre la mesure de la pratique du plagiat chez certains universitaires. On n’en finit pas d’être consterné par des cas qui révèlent un sentiment d’impunité et de suffisance absolument contraire à toute déontologie. En plus, un frein à la recherche, puisque le temps long nécessaire à une investigation novatrice est précisément l’obstacle que lèvent, au mépris de tout professionnalisme, certains publiants en reprenant, sans même citer, et sans aucun apport personnel, les travaux des prédécesseurs. Encore un témoignage d’un docteur pillé

Publié dans Actualités | Mots-clés : paraphrase, recherche, , université | 3 Réponses

La rentrée des copieurs

Ils sont bien au rendez-vous ! Comme les bons élèves, les copieurs aussi n’ont pas manqué à l’appel de la rentrée.

Hier, se tenait au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand l’audience concernant l’accusation pour diffamation lancée par Françoise Cognard, maître de conférences en Géographie contre Christophe Giraud, lui aussi auteur d’une thèse sur un sujet très proche avec le même directeur de thèse, mais soutenue cinq ans avant… La liste des similitudes communiquée au tribunal est impressionnante. Christophe Giraud a-t-il été dans son droit en exprimant son exaspération auprès du Comité Scientifique de la Montagne ? Les juges rendront leur décision le 19 novembre prochain.

Une autre affaire de diffamation liée à une accusation de plagiat a agité la presse Suisse pendant tout l’été. En plein mois d’août, Ludovic Rocchi, journaliste au journal Le Matin, a fait l’objet d’une perquisition suite à la plainte du directeur de l’institut de l’entreprise de la faculté des sciences économiques de l’Université de Neuchâtel.  Le syndicat des journalistes s’en était ému et avait dénoncé « ces procédés disproportionnés qui constituent une violation de la protection des sources des journalistes, ainsi qu’une violation crasse de la liberté de presse ». Après bien des péripéties, l’affaire a basculé hier en faveur du journaliste puisque le Conseil d’État neuchâtelois, saisi par le rectorat de l’université, a suspendu avec effet immédiat le professeur. Bien sûr, la mesure est prise à titre provisoire, en attendant une décision sur le fond concernant l’enquête administrative sur les accusations de plagiat.

Et en Allemagne, un nouveau scandale, après les démissions du Ministre de la défense puis de la Ministre de la Recherche, tous deux convaincus de plagiat pour leur thèse il y a quelques mois : cette fois, il s’agit de Walter Steinmeier, président du groupe parlementaire SPD, accusé par un professeur d’économie, d’avoir usurpé son titre de docteur : à écouter sur le site Les Observateurs.ch. Les 400 passages douteux vont être examinés à la loupe…